Info-Kurdistan

Les Kurdes du Rojava seul-e-s contre tous ?

Tiré du blog de Laterreur, lien direct ici.



 

Le point sur les exactions de Daech à Kobanie

 

Le 25 juin 2015, la ville de Kobanie a été victime d'une incursion de djihadistes. A 4H40 du matin, une moto chargée d'explosifs est arrivée du côté turc du poste frontière de Mürşitpınar. Après l' explosion, des hommes de Daech en tenue militaire de l'ASL (Armée syrienne libre) et des YPG (branche armée du PYD, proche du PKK) sont entrés dans la ville. Ils ont ensuite exécuté des habitant-e-s sans ménagement. Dans les heures qui ont suivi, les escadrons de la mort ont également procédé au massacre du village de Berx Botan à 30 km au sud de Kobanie. 

 

Les véritables YPG/YPJ (YPJ: miliciennes kurdes) occupé-e-s sur d'autres fronts, ont été rapatrié-e-s en urgence dans la ville. Ils ont encerclé rapidement les théofascistes qui ont fait sauter trois bombes, assassinant principalement des femmes, des enfants et des vieillards. Le bilan de la tuerie est de plus de 230 morts, dont la quasi-totalité était des civils. Les images atroces du massacre sont arrivées sur les réseaux sociaux, la plupart des défunts avaient des marques d'exécution sommaire avec tirs à bout portant. Daech a chassé ces habitant-e-s de Kobanie comme du bétail. Pourquoi ? Pour répandre la peur et démoraliser les populations kurdes du monde entier.

 

Le 26 juin, Daech a ensuite tenté de traverser l'Euphrate en bateaux depuis Jarabulus et lancé une offensive sur le front Sud de Kobanie. Cette manœuvre a lamentablement échoué, comme souvent quand il s'agit de combattre les femmes et les hommes armés du YPG/YPJ.

 

Quelle issue à la stratégie de Daech au Kurdistan syrien ?

 

Daech renforce sa logique de massacres, parce qu'il espère que cela alimentera les clivages ethniques kurdes/arabes. En réalité, ce qui s'est passé à Kobanie est un acte de désespoir. Daech a monté une opération militaire avec plus de 80 hommes envoyés au suicide sans permettre de faire avancer les lignes de front contre les Kurdes. En trois jours il y eut près de 100 morts dans ses rangs. Et comment a répondu Daech à sa nouvelle défaite ? Par d'autres nettoyages ethniques beaucoup moins connus : à Raqqa, les théofascistes ont fusillé des dizaines de Kurdes. A Tabqa ils les ont chassés de la ville. De nombreux réfugiés kurdes affluent actuellement au Rojava.

 

La réalité du terrain est impitoyable pour Daech perdant un à un ses vieux bastion syriens : Tell Hamis, autrefois surnommé "la forteresse du djihad", Tell Brak, le mont Jabal Abdel Aziz, Mabrukah, les plages Est de l'Euphrate, Suluk, Tell Abyad, la brigade 93 et Aïn Issa. Aujourd'hui, les forces kurdes et leurs alliés marchent vers Raqqa la capitale syrienne de l’État Islamique. Cela fait beaucoup de revers ainsi que beaucoup de villes et de positions stratégiques perdues en quelques mois face aux Kurdes et leurs alliés sous-équipés soutenus par les bombardements de la coalition. Ces exploit, l'armée irakienne comme l'armée de Bachar El-Assad en sont incapables tout comme la plupart des forces qui s'opposent à Daech aujourd'hui, que ces forces soient soutenues par la coalition ou non, qu'elles soient soutenues par un autre État ou non.

 

Un traitement médiatique partiel et partial servant les intérêts des états capitalistes occidentaux.

 

Comme à leur habitude, les médias de masse occidentaux ont balancé des informations sans grande signification ou sans développer sur les implications de celles-ci, notamment sur celles concernant les complicités entre la Turquie et Daech.

 

Peu de médias ont en effet parlé de l'incursion au Rojava de 70 hommes de Daech par la frontière turque. Par contre, nombre d'entre eux parlent d'une réimplantation de Daech à Kobanie qui aurait réduite à néant les efforts de la "coalition internationale". Cette information a le tort de mettre en avant la coalition qui n'a joué qu'un rôle mineur dans la défaite des islamistes lors de la première bataille de Kobanie alors que les combattant-e-s kurdes y avaient par contre joué un rôle prépondérant. Elle a aussi le tort de donner l'impression que Kobanie est de nouveau aux mains des combattants de l’État Islamique alors qu'il n'y a eu que quelques attaques de la part de Daech. Comment serait-t-il possible que Kobanie subisse une nouvelle occupation militaire de Daech dont l'effectif pour cette attaque était inférieur à 100 hommes ? Mais pourquoi enterrer le combat et les victoires des Kurdes ?

 

Quand les Kurdes ont pris Tell Abyad aux djihadistes, les tribus arabes, turkmènes et tchétchènes ont remercié les milices kurdes. Ils n'ont pratiqué ni la torture, ni le nettoyage ethnique ou religieux. Au Rojava, on a le droit de parler librement la langue de sa mère ; le syriaque est par exemple une langue constitutionnelle. Sur les territoires contrôlés par le PYD, on ne se fait pas enfermer pour ses opinions politiques, à l'exception notable des islamistes. Malgré la guerre, on voit l'émergence d'une zone où des progrès sociaux importants sont réalisés avec un mouvement populaire de masse puissant : le TEV DEM censé représenter la société démocratique. Ce bouleversement historique appelle d’ailleurs des centaines de combattants venus de l'étranger pour soutenir le rêve kurde.

 

Nous avons déjà produit un article soulignant les caractères progressistes et anti-capitalistes du combat des Kurdes du Rojava qui pourraient à eux seuls justifier un tel traitement de la part des médias bourgeois1. La politique du gouvernement turc vis à vis du Kurdistan est un facteur supplémentaire permettant d'expliquer le traitement médiatique lamentable du combat des Kurdes. Dans un discours le 26 juin 2015, Erdogan a déclaré : "J’en appelle à la communauté internationale. Quel que soit le prix à payer, nous ne permettrons jamais l’établissement d’un nouvel État2 à notre frontière sud, dans le nord de la Syrie". Nous avions déjà des informations sur des livraisons d'armes de la Turquie à Daech mais le gouvernement turc est passé à la vitesse supérieure en attaquant des positions kurdes et en projetant de rentrer en Syrie non pour combattre les "démoniaques ennemis de l'occident" mais... les Kurdes3.

 

Comment intégrer à la propagande du bien et du mal de tels faits de la part d'un allié de l'Europe et de la France ? Notons par ailleurs que Hollande soutient le projet du gouvernement turc de zone tampon entre la Turquie et le Rojava4.

 

Maintenant tournons-nous vers l'Orient. 600 000 Kurdes vivent en France, tâchons de créer des liens pour soutenir concrètement les combattant-e-s du Rojava !

 

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1http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=669

 

2http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/06/27/ankara-veut-empecher-la-creation-d-un-etat-kurde-a-ses-portes_4663268_3218.html

 

3http://www.secoursrouge.org/Kurdistan-La-Turquie-se-prepare-a-attaquer-le-Rojava

 

4http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/10/08/97001-20141008FILWWW00219-syrie-hollande-pour-la-creation-d-une-zone-tampon.php