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[Amed / Kurdistan] L’embourgeoisement succède aux combats.

Par le Collectif Emma Goldman / UCL Saguenay

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Quartier de Sur à Amed. Crédit photo: ÖNDER UYGAR SIMSEK.
La ville d’Amed (Diyarbakir en turc) a subi de plein fouet les attaques menées depuis le 14 mars par les forces armées turques contre le peuple kurde. Même si les combats ont cessé, le gouvernement autoritaire d’Erdogan veut profiter de la destruction d’une partie d’Amed pour démanteler ce berceau de la résistance kurde et ville historique du Kurdistan. C’est le quartier de Sur qui a été le plus éprouvé par les combats entre les forces armées turques et les Unités de protection civiles (Yekîneyên Parastina Sivîl; YPS et YPS-Jin). Le 21 mars, le gouvernement turc a fait passer un décret d’urgence qui leur donne le droit d’exproprier les résidant-e-s de ce quartier durement touché par les combats. C’est un autre coup dur pour ces habitant-e-s qui sont parmi les plus défavorisé-e-s de la ville. De son côté, le gouvernement sème la confusion. Personne n’a reçu d’avis leur expliquant en détail les modalités des expropriations et de la reconstruction. 60 % du quartier serait concerné par le décret. Pour l’avocate et membre de l’association des avocats de Mésopotamie, Piroz Karali, « le gouvernement ne peut émettre un décret d’expropriation d’urgence qu’en cas de catastrophe naturelle ou de guerre, or il refuse d’utiliser ce mot pour qualifier les opérations militaires en cours ».
Devant cette situation, le 30 mars dernier, plus de 300 organisations civiles et institutions locales ont manifesté contre le décret. Le barreau d’Amed et plusieurs autres habitant-e-s ont amené le cas devant la justice.  Pour Piroz Karali : « Légalement, lorsque de telles procédures sont lancées, les travaux doivent être interrompus le temps que le tribunal statue sur chacun des cas ». Toutefois, une partie de Sur est toujours sous couvre-feu et interdite d’accès par des barrages de police ou des murs de béton. Seuls des camions de chantier peuvent s’y rendre et ressortent remplis de gravats. Les commerçant-e-s et les habitant-e-s du quartier craignent le pire. Ce n’est pas sans rappeler les événements survenus en 2011 où la compagnie immobilière étatique TOKI a eu le temps de détruire plus de 300 bâtiments avant de devoir arrêter sous la pression locale. C’est sous le couvert de la « restauration » que le gouvernement détruit les quartiers kurdes, efface leur culture et lieux historiques et force le peuple kurde à l’exil.
Pour Fatih, propriétaire d’un café dans le quartier de Sur : « Certaines personnes évaluent déjà le bénéfice qu’ils peuvent tirer dans cette histoire ». Il ajoute : « Beaucoup de commerçants sont au bord de la faillite à cause de la guerre. Si le gouvernement leur propose un bon prix, ils vendront leurs propriétés ». Déjà, des riches ont offert de racheter le café tenu par Fatih. Pour ce dernier : « L’État va restaurer les bâtiments historiques, mais la ville ne sera plus qu’un centre touristique avec des habitations et des commerces inaccessibles pour les habitants historiques ». « Sur va devenir une machine à cash ». Il conclut en mentionnant que selon lui, les habitant-e-s pauvres du quartier vont être forcé-e-s à s’exiler en marge d’Amed. Surtout que c’est dans cette frange de la population que la sympathie pour le mouvement de résistance kurde est la plus forte.
L’ancien Premier ministre turc, Ahmet Davutuglu, a déclaré en février dernier que Sur allait être reconstruite comme Tolède et que tout le monde voudra venir voir son architecture. Au total, le centre historique d’Amed compte 1500 bâtiments classés patrimoine historique dont onze églises arméniennes, syriaque et chaldéenne.
Pendant ce temps, les combats entre les forces armées turques et les guérilleros du HPG et des YJA-Star (branches armées du Parti des travailleurs du Kurdistan; PKK) font toujours rage à Oremar (Dağlıca en turc), dans la province d’ Hekarî (Hakkâri). Au total, 8 militaires ont été tués et 8 blessés. Un hélicoptère Cobra a été détruit par la guérilla [1].
 Au Rojava, les Forces démocratiques syriennes (FDS), menées par les Unités de protection kurdes, préparent une opération afin de libérer Raqqa, capitale du califat autoproclamé, État islamique. Même si aucune date n’a été mentionnée, plusieurs sources croient que l’opération ne devrait pas tarder. Déjà, des citoyens et citoyennes de la ville appellent les FDS à venir libérer Raqqa et la région. Les habitant-e-s subissent une oppression constante par les membres du gang État islamique. Quelques résidant-e-s ont réussi à fuir et sont désormais à l’abri sous la protection des FDS. [2] 
 
 
 
Pour plus d'information sur la situation au Bakûr (Kurdistan nord) et au Rojava: