L’écologie sociale aux RIA 2023 de St-Imier

Le vallon de St-Imier avait des petits airs de Paléo festival en ce milieu de mois de juillet 2023. Autant de tentes bariolées que de T-shirts noirs ont débarqué dans les montagnes jurassiennes pour célébrer les 150 (+1) ans de l’anarchisme. Une internationale anti-autoritaire, née lors du rassemblement des fédérations à St-Imier en réactions à l’exclusion de Bakounine et James Guillaume par le Conseil général.

Voilà pour l’histoire. Conjuguée au présent, ces RIA 2023 (pour Rencontres Internationales Anti-autoritaires) – rencontres qui avaient connu une première édition en 2012 pour les 140 ans et une édition réduite en 2022 pour la date officiel en raison du COVID – voyait converger quelques 5’000 anarchistes et libertaires de tous poils (colorés) pour échanger, débattre, se retrouver et faire connaître leurs mouvements, actions et préoccupations. Le programme, autogéré, était très riche avec près de 300 ateliers et conférences sur 5 jours. Le principe : chacun pouvait librement proposer des sujets. Raison pour laquelle les thèmes se voyaient principalement dévolus aux luttes actuelles et concrètes. On n’était moins là pour rappeler l’histoire de l’anarchisme, sans doute plus pour envisager son avenir.

L’écologie sociale figurait en bonne place au programme, avec plusieurs interventions. Le Réseau d’Ecologie Sociale et Communalisme (RESC, basé principalement en France) par la voix de Floréal Romero présentait le jeudi matin les principes de l’écologie sociale, dans un premier temps, et son volet politique du communalisme en deuxième heure. Il a rappelé qu’en matière d’écologie, si on est souvent d’accord sur les causes, il n’en va pas de même pour les solutions proposées. En ciblant les questions de dominations et en portant son action sur la réappropriation du politique par le bas, par les citoyennes et citoyens, l’écologie sociale représente une voie qui porte.

Une centaine de personnes étaient présentes dans la grande salle pour les deux heures qu’a duré la présentation. Un chiffre important compte tenu de l’horaire matinal. Une bonne partie des présent.e.s ne connaissaient sans doute pas le mouvement mais les deux parties d’échanges avec le public ont montré que beaucoup sont déjà familiers et familières de ces questions. Le lien avec le mouvement du Rojava a été mentionné, notamment par des membres du groupe Serhildan, qui a marqué par sa présence importante au salon du livre de la manifestation. Alors que se tenait à quelques kilomètres de là la manifestation dédiée aux 100 ans du Traité de Lausanne, qui a enterré les espoirs d’une nation kurde, les soutiens à la cause étaient nombreux à St-Imier. Une participante a quant à elle rappelé le lien avec la pensée écoféministe, qui amène à penser hors des dualismes et combien le massacre du vivant est profondément patriarcale. Le débat avec la salle a ensuite porté sur une question de fond, à savoir la place de l’État face au capitalisme. Est-ce que le dualisme Etat/marché reste-t-il si pertinent aujourd’hui et est-ce que le marché ne serait-il plus fort encore sans lui ? Un membre d’un collectif Bruxelles a indirectement répondu qu’il fallait, à défaut d’un meilleur mot, se demander quel type d’État, et souligné que la pensée de Murray Bookchin laisse entrevoir une alternative politique, pour se repenser politiquement hors des États-nations et hors du capitalisme. Beaucoup de questions et d’intérêt en tout cas, malgré le peu de temps.

L’audience présente cherche visiblement surtout à savoir ce qui s’est fait actuellement en application de ces idées et comment s’engager dans cette voie ? La discussion s’est donc tournée vers les réseaux d’écologie sociale existants, comme réponse au constat du manque d’internationalisme en général dans nos luttes. Le besoin de se fédérer était constamment à l’ordre du jour de ces RIA. Plusieurs organisations ont pu à cette occasion faire parler d’elles : le groupe Nantes en commun, qui porte un appel à la réappropriation de la ville par ses habitants. Le collectif suisse-allemand Netzwerk für Kommunalismus, qui a notamment traduit une brochure très complète sur Bookchin, Ocalan et la révolution au Rojava, qu’il était possible de se procurer au stand de soutien au Rojava. Le Mouvement municipal, né en 2022, était également présent, avec un stand, pour fédérer autour de l’idée de la création d’une confédération de communes. Les contacts sont pris et on espère pouvoir faire progresser ces idées et ces projets.

Un panneau sur lequel on pouvait indiquer ses sites & réseaux a été mis en place :

Panneau utilisé lors de la présentation. Manque en haut sur la photo l’adresse du blog en espagnol de Floreal Romero : https://florealmromero.blogspot.com

Le lendemain, toujours à 9h pour les plus matinaux, le centre italien d’archives Giuseppe Pinelli présentait le film dédié à Murray Bookchin, réalisé à l’occasion des 100 ans de sa naissance en 2021. Le film Beyond Domination and Hierarchy: Libertarian Practices for an Ecological Society, originellement en italien mais présenté ici dans une version anglaise encore provisoire, raconte la vie et la pensée de Murray Bookchin, agrémenté de nombreuses images et vidéos d’archives, tirées du Centre G.Pinelli comme d’autres sources.

Le film est actuellement en ligne dans sa version italienne, mais la version anglaise sera également disponible prochainement.

Le débat, avec une cinquantaine de personnes présentes a touché le film autant que les principes de Bookchin. Le public plus restreint a permis une discussion ouverte, pointant notamment les limites économiques des théories de Bookchin, dans lesquelles on retrouve sa formation théorique marxiste. Ici encore, on pointera le besoin de créer des ponts, avec le projet d’établir une liste visible de ces initiatives présentes dans ces rencontres, pour pouvoir là encore fédérer les forces et les impulsions.

On finira ce court tour d’horizon en exprimant un grand bravo, et un sincère merci, à l’équipe d’organisation (décentralisée et acéphale, sans tête dirigeante, pour reprendre l’expression pertinente d’un participant) de ces Rencontres internationales. Un très beau succès, malgré les multiples difficultés incontournables à ce genre d’entreprises. MERCI POUR TOUT !

Notre solidarité aussi pour l’équipe du stand du salon du livre attaqué à plusieurs reprises par des personnes qui visiblement ne partagent pas la culture libertaire du dialogue. Non à l’agressivité et à la violence.

Site internet des Rencontres de St-Imier 2023 : anarchy2023.org
Les conférences enregistrées devraient (bientôt) se retrouver sur le site : https://media.ccc.de/c/anarchy23

Traduction française du compte rendu allemand

A lire également, le compte rendu de Netzwerk für Kommunalismus:

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Une réponse à L’écologie sociale aux RIA 2023 de St-Imier

  1. Caroline dit :

    Cher Vincent,

    un grand MERCI pour ce compte-rendu très intéressant!

    Et VIVE l’écologie sociale !

    amitiés et à bientôt,

    Caroline

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