Ecologie & Politique N°41

La 41ème édition de la revue française Ecologie & Politique s’est penchée sur les écologies politiques modernes en Amérique du Nord. Parmi les articles au sommaires, plusieurs sont particulièrement intéressant dans le contexte de l’écologie sociale.

 

 –« Alliés de circonstance  : Ralph Nader et l’écologie politique », par Nicolas Labarre, retrace la stratégie du parti Vert Etatsunien (ou plus précisément du groupement de partis Verts) et de son choix de s’associer à Ralph Nader, jusque-là représentant des consommateurs, pour les élections présidentielle. Très complet, l’article présente les divergences et les conflits qui ont opposé les factions pragmatiques et idéalistes du parti Vert (les seconds, qui comprenait les écologistes sociaux dont Brian Tokar, se montraient opposé au choix de présenter un candidat aux présidentielles et se positionnaient plus pour un recentrage sur l’échelle locale) et les conséquences des choix tactiques faits par Nader (qui n’a jamais adhéré au parti et portait peu la thématique environnementale) et par les Verts. Les conclusions en sont l’échec de la stratégie en tant que telle, mais le choix pertinent d’un Ralph Nader, porté par son aura politique antérieure.

 

 –Une vision progressiste de la question démographique ? La croissance démographique, le changement climatique et la nouvelle approche « gagnant-gagnant », par Jade Sasser. Dans sa première partie, l’article présente l’émergence du phénomène néo-malthusianisme dans la deuxième partie du XXème siècle (notamment par Paul Ehrlich et Garrett Hardin) et comment au début du XXIème siècle ces mêmes arguments ont été repris par des groupements et ONG qui font du lobbying dans la législation et auprès des jeunes pour limiter la croissance démographique. L’auteur montre bien les limites de l’argumentaire, avec la différence d’émissions carbones d’un jeune américain par rapport à un Indien et de l’absence de discours sur les modes de production et de consommation. Néanmoins, dans la deuxième partie de son article, l’auteur tient un discours peu clair, se voulant certainement neutre mais dès lors perdant le sens de son propos. Difficile au final de juger de la réelle conclusion de l’auteur par rapport à ces nouveaux discours émergeant et si l’approche « gagnant-gagnant » annoncées est vraiment souhaitables ou sujettes aux mêmes lacunes théoriques que ses prédécesseurs.

 

Deux articles en fin de recueil s’intéressent eux plus directement à l’écologie sociale elle-même.

« Anarchisme, libertarisme et environnementalisme. La pensée anti-autoritaire et la quête de sociétés auto-organisées » tout d’abord, de Damian F. White (auteur de Bookchin, a critical appraisal et ancien étudiant à l’Institute for Social Ecology) et Gideon Kossoff (écologiste sociale qui enseigne au collège Schumacher). L’article retrace les idées et le suivi des penseurs mêlant anarchisme, communalisme et écologie. On y retrouve le cheminement allant de Kropotkine à Bookchin, avec les apports d’autres penseurs comme Geddes, Colin Ward, Ebenezer Howard, etc. L’article a le mérite d’être clair et bien pensé.

 

Quelques réflexions autour de la question posée par Murray Bookchin  : « Qu’est-ce que l’écologie sociale ? », par Jacques Luzi (maître de conférences à l’université Bretagne Sud) commente le texte « Qu’est-ce que l’écologie sociale » (introduction à l’ouvrage The Ecology of Freedom, publié par l’ACL). J’ai eu ici par contre beaucoup de peine à suivre la réflexion très universitaire de Jacques Luzi et de comprendre les remarques faites à Bookchin. On y voit notamment une remise en question d’un lien direct entre domination de l’homme sur l’homme et domination sur la nature (ou, pour reprendre ses termes, « dégradation systématiques de la nature » – c’est lui qui souligne) et un manque théorique dans la relation entre le savoir et le pouvoir, notamment dans le discours de Bookchin sur la technologie. Pour Luzi, « Les critiques adressées [dans cet article] à Bookchin peuvent se résumer ainsi: toute forme de domination n’est pas incompatible avec la sauvegarde de l’environnement (on peut envisager comme écologiquement viable un « totalitarisme vert » conduit par une classe technocratique, ascétique et uniquement assujettie à la jouissance pure de l’exercice de la domination); des sociétés « autres » (fondées sur d’autres imaginaires que celui de la « maîtrise », un espace public ouvert, un savoir et des technologies spécifiques issus directement de la pratique « routinière » commune) développeraient nécessairement d’autres rapports (réels et symboliques) au monde naturel. Et l’auteur de conclure, en reformulant Nietzsche, sur le besoin de se libérer par envie plutôt que par un choix raisonné de l’emprise du monde actuel: « Le monde moderne perdra toute légitimité lorsque ce ne seront plus des raisons, mais le goût du plus grand nombre, qui décidera contre lui. »

Tout cela reste bien flou malgré tout et je n’ai pas toujours retrouvé le point de vue Bookchin dans les mots de l’auteur.

 

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